dièse et bémol

Dans un récent article, nous avions évoqué deux compositeurs qui ont travaillé avec Duke Ellington

Je vous propose ici de rentrer un peu plus dans l’orchestre du grand Duke et de débuter l’année avec deux des contrebassistes qui l’ont accompagné.

Deux contrebassistes qui ont laissé une marque indélébile dans l’histoire de la contrebasse et du jazz.

A l’inverse de Count Basie, Duke Ellington a toujours laissé à ses musiciens la liberté de s’exprimer.

Que ce soit par des compositions originales ou dans des formations réduites, il a toujours cherché à mettre en avant leurs talents de solistes.

C’est le cas des deux musiciens dont nous allons parler ce soir : Jimmy Blanton et Oscar Pettiford.

Commençons par Jimmy Blanton.

JIMMY BLANTON

Né en 1918, il entre dans l’orchestre de Duke Ellington en 1939, à l’âge de 21 ans.

Il arrive avec un son riche, large et rond, une technique à toute épreuve, une imagination débordante et surtout un superbe sens du swing.

Aussi à l’aise à l’archet qu’en pizzicati (aux doigts), il est l’auteur de solos incroyables comme celui qu’il enregistre sur « Jack the bear », le 6 mars 1940.

Dans ce titre, outre l’innovant solo de Jimmy Blanton, on reconnaitra, entre autres, la clarinette de Barney Biggard et la trompette de Cootie Williams.

On l’écoute…

Son apport à l’orchestre de Duke Ellington est tel qu’on parlera de Duke Ellington période Blanton-Webster puisque sa contrebasse y partagera la scène avec le saxophone du grand Ben Webster.

Son jeu, original pour l’époque, aura une grande influence sur les orchestrations du Duke.
Ces orchestrations de plus en plus élaborées, seront construites sous la forme de dialogues permanents entre solos improvisés et arrangements d’ensembles.

En plus de ces solos, il enregistre une série de duos avec le piano d’Ellington.

L’ensemble de ces duos dégage une intensité mélodique rare et une facilité déconcertante.

Je vous propose d’écouter le surprenant Pitter Panther Patter enregistré le 1er octobre 1940.

Ellington ne pourra malheureusement pas apprécier le talent du jeune Jimmy très longtemps puisque celui-ci, atteint d’une tuberculose, devra quitter l’orchestre en 1941 avant de décéder l’année suivante.

Malgré sa courte carrière, Jimmy Blanton aura un impact considérable sur les contrebassistes qui lui succéderont, dans l’orchestre de Duke Ellington et dans l’ensemble du monde du jazz.

OSCAR PETTIFORD

Un autre contrebassiste laissera une marque significative dans l’orchestre de Duke Ellington.

C’est Oscar Pettiford.

Né en 1922, il commence à jouer avec les plus grands dès son 20ème anniversaire. On le retrouve à côté de Ben Webster, Earl Hines, Dizzy Gillespie et Coleman Hawkins.

C’est en 1945 qu’il entre dans l’orchestre de Duke Ellington où il bénéficiera des mêmes conditions que Jimmy Blanton.

 

A un point tel que Duke Ellington lui composera des thèmes pour lui permettre d’exprimer ses talents de solistes.

C’est le cas de ce Tip toe topic, enregistré en trio en 1946 avec Duke Ellington au piano et Sonny Greer à la batterie.

Après plusieurs albums et quelques tournées, Pettiford quitte l’orchestre en 1948 avec l’image d’un immense soliste.

En 1949, lors d’une partie de softball, une version pourtant light du baseball, il se casse le bras droit et doit s’arrêter de jouer pendant plusieurs mois.

S’il perd en virtuosité, il profite de ce repos forcé pour travailler sur la qualité du son de sa contrebasse et pour ajouter une corde à son arc : il apprend le violoncelle qu’il accorde en quartes comme la contrebasse mais une octave plus haut.

Même s’il utilise très peu l’archet, derrière l’étude de cet instrument, plus aigu que la contrebasse, il garde son idée fixe : les solos.

Peu de temps après, Duke Ellington fait à nouveau appel à lui pour plusieurs enregistrements.

À cette période, sa place est prépondérante dans l’orchestre d’Ellington : il joue la plupart des thèmes et est souvent le seul à improviser.

Il poursuivra une carrière riche de rencontres et d’enregistrements exceptionnels aussi bien comme leader que sideman.

Un pied dans le swing, l’autre dans le bop, il restera jusqu’à sa disparition en 1960, au même titre que Jimmy Blanton, l’un des pionniers de la contrebasse, ouvrant la voie à d’autres grands noms.

On le retrouve en soliste au violoncelle (en pizzicati) avec le piano d’Ellington et la contrebasse de Wendell Marshall, qui n’est autre, le monde de la contrebasse est petit, que le cousin de Jimmy Blanton.

Dans cet enregistrement datant de 1950, il rend hommage à son illustre prédécesseur dans Blues for Blanton qu’on écoute pour terminer cette chronique.