dièse et bémol

Après les compositeurs et les contrebassistes, j’ai choisi, ce soir de vous parler de 2 batteurs qui ont accompagné Duke Ellington et laissé une marque importante dans son histoire. 

Inutile de rappeler que le rôle d’un batteur dans un orchestre de jazz est déterminant

Celui de Duke Ellington ne fait pas exception à la règle, d’autant qu’il a toujours demandé à ses batteurs un petit plus. 

Il n’attendait pas d’eux d’être seulement de très bons batteurs mais aussi d’apporter leur fantaisie, leur imagination et leurs couleurs aux arrangements du chef et même d’apporter leurs propres compositions et arrangements.

Ainsi de Sonny Greer à Rufus Jones, en passant par Louie Bellson et Sam Woodyard, ils ont tous contribué à ce qui a fait le succès de l’orchestre : la variété, l’originalité et le swing.

Arrêtons-nous sur Sonny Greer et Louie Bellson, et, pour changer, commençons par le plus jeune !

LOUIE BELLSON

Né dans l’Illinois en 1924, le petit Luigi débute la batterie à 3 ans et est le premier batteur de l’histoire du jazz à utiliser, dès l’âge de 15 ans, une double grosse caisse (une à chaque pied) qui donnera des idées à nombre de batteurs de rock actuels.

Professionnel dès l’âge de 17 ans, Luigi Balassoni prend le nom de Louie Bellson lorsqu’il rejoint l’orchestre de Benny Goodman.

Virtuose, il s’est souvent illustré dans des « drum battles » avec des grands noms comme Gene Krupa, Buddy Rich ou Billy Cobham.

On le retrouve également dans l’orchestre de Tommy Dorsey, puis dans le sextet qu’il forme avec le saxophoniste Charlie Shavers, et enfin dans l’orchestre d’Harry James qu’il quitte en 1951 en compagnie du tromboniste Juan Tizolle compositeur de Caravan – pour rejoindre la formation de Duke Ellington.

Chez Duke, il apporte sa vitalité, son enthousiasme, sa passion pour les rythmes exotiques.

Comme pour tous ses solistes, Duke Ellington lui laisse beaucoup de libertés et on retrouve plusieurs de ses compositions et arrangements dans les enregistrements de l’orchestre.

Il enregistre plusieurs albums avec l’orchestre qu’il quittera en 1953 pour se consacrer à la carrière de Pearl Bailey, chanteuse qu’il a épousé en novembre 1952.

Qualifié de meilleur batteur du monde par Duke Ellington lui-même, il reviendra brièvement dans l’orchestre le temps d’un album en 1965.

 

A partir de 1967, il dirige son propre big band puis, jusqu’au début des années 80, il apparait dans des petits groupes où on retrouve successivement Oscar Peterson, Stan Getz, Jay Jay Johnson ou Ray Brown.
On l’écoute dans une de ses compositions, « Skin deep », enregistrée avec l’orchestre de Duke Ellington en 1952 sur l’album « Ellington Uptown ». Véritable concerto pour batterie et orchestre, on peut apprécier, dans ce titre, la densité, la puissance et l’énergie du jeu à deux grosses caisses.

SONNY GREER

Juste avant Louie Bellson, c’est Sonny Greer qui tenait les baguettes ou plutôt les balais puisqu’il s’en était fait une spécialité.

Né dans le New Jersey en 1985 ou en 1903 (les archives manquent de précision), il se passionne pour le billard dès son plus jeune âge.

A tel point qu’un batteur de la région accepte de lui donner des cours de batterie en échange de cours de … billard !

Il joue dans plusieurs formations de sa ville et c’est à l’occasion d’une soirée dans un hôtel d’Asbury Park qu’il rencontre Duke Ellington en 1919. 

Dès ce moment, il devient alors le batteur fétiche du pianiste avec qui il se produira jusqu’en 1951, de ses débuts dans le quintette « Duke’s Washingtonians » jusqu’au big band en passant par le Cotton Club

Il a été le premier batteur de jazz à ajouter des instruments percussifs harmoniques à sa batterie. On retrouve dans sa boîte à outils, des gongs, des woodblocks accordés, carillons, des timbales et même une timbale à pédale dont il est l’inventeur et qui permettait de modifier la tension de la peau (donc du son) avec le pied tout en jouant.

Tout ça donnait à son jeu des couleurs et des sons qui s’accordaient parfaitement avec les danseurs et le style « jungle » de l’époque.

Il a constitué avec le contrebassiste Jimmy Blanton, dont nous avons parlé la dernière fois, la section rythmique de référence de nombreux batteurs et bassistes.

Connu pour être un gros buveur et toujours passionné de billard, il se disperse et devient de moins en moins fiable. 

Il perd la confiance d’Ellington au point de se voir remplacé par Butch Ballard pour la tournée de l’orchestre en Scandinavie en 1950.

C’est cet incident qui sera le point de départ du désaccord entre les deux hommes et qui provoquera le départ de Sonny en 1951.

Après son départ, il poursuivra sa carrière en freelance et on le retrouvera aux côtés du saxophoniste Johnny Hodges et du trompettiste Red Allen.

Il a également brièvement dirigé sa propre formation.

Enfin, une de ses dernières apparitions publiques a été sa participation à un des nombreux hommages à Duke Ellington organisés en 1974 après le décès du maître.

On se quitte avec la patte de Sonny Greer et la voix du trompettiste Cootie Williams sur « Hot Feet », titre enregistré avec l’orchestre de Duke Ellington, le 7 mars 1929 et remastérisé en 1999 pour sa sortie en CD.