dièse et bémol

On a dit d’Antonio Carlos Brasileiro de Almeida Jobim qu’il était le George Gershwin du Brésil !
Et il y a un certain degré de vérité dans cette affirmation, car tous deux ont contribué à enrichir le répertoire du jazz, tous deux l’ont fait entrer dans les salles de concert et tous deux tendent à symboliser leur pays aux yeux du reste du monde. Et plus que tout, tous deux sont encore joués tous les jours dans tous les clubs de jazz du monde.
Avec leurs mélodies et harmonies gracieusement urbaines et sensuellement douloureuses, les chansons de Jobim ont offert aux musiciens de jazz des années 1960 une alternative calme et remarquablement originale à leur source traditionnelle de New Orleans, Chicago, Los Angeles ou même New York.

Les racines de Jobim ont toujours été fermement ancrées dans le jazz ; les disques de Gerry Mulligan, Chet Baker, Barney Kessel et d’autres musiciens de jazz de la côte ouest ont eu un impact énorme sur lui dans les années 1950. Mais il a également affirmé que le compositeur impressionniste français Claude Debussy avait eu une influence décisive sur ses harmonies, et que la samba brésilienne donnait à sa musique une base rythmique unique et exotique. 

En tant que pianiste, son jeu était généralement simple et mélodique avec un toucher qui rappelle Claude Thornhill, mais certains de ses disques montrent qu’il pouvait aussi s’étendre lorsqu’on lui en laissait la place. Côté guitare, il se limitait principalement à jouer doucement les rythmes syncopés, et, enfin côté chant, sa voix était calme, légèrement rauque mais souvent obsédante.

Né le 25 janvier 1927 dans le quartier de Tijuca à Rio, Jobim se destinait à l’origine à une carrière d’architecte. Mais à l’âge de 20 ans, l’attrait de la musique était trop fort, et il a donc commencé à jouer du piano dans des boîtes de nuit et à travailler dans des studios d’enregistrement. 

Il a enregistré son premier disque en 1954 comme leader de « Tom and His Band » (Tom a toujours été son surnom) avec le chanteur Bill Farr. Mais, il s’est fait remarqué et a remporté ses premiers succès après avoir rencontré et travaillé avec le poète Vinicius de Moraes avec qui il a composé et écrit une partie de la musique d’une comédie musicale intitulée Orfeo do Carnaval (qui deviendra ensuite un film, Orpheo Negro, Black Orpheus en anglais).
En 1958, le chanteur brésilien Joao Gilberto, alors inconnu, enregistre quelques chansons de Jobim, ce qui a pour effet de lancer le phénomène qui parcourera le monde sous le nom de bossa nova.

La renommée internationale de Jobim a débuté en 1962 lorsque le guitariste Charlie Byrd et le saxophoniste Stan Getz ont obtenu un succès inattendu avec leur interprétation de  «Desafinado».

Plus tard la même année, lui et plusieurs autres musiciens brésiliens sont invités à participer à un showcase au Carnegie Hall de New York. Alimentée par les chansons de Jobim, la bossa nova devient une mode internationale, et les musiciens de jazz sautent sur le train en marche, enregistrant album après album de bossa nova jusqu’à ce que la tendance s’essouffle commercialement à la fin des années 60.

Jobim lui-même les studios d’enregistrement aux tournées, enregistrant plusieurs albums de sa musique en tant que pianiste, guitariste et chanteur pour Verve, Warner Bros., Discovery, A&M, CTI et MCA dans les années 60 et 70, et à nouveau pour Verve au cours de la dernière décennie de sa vie. 

Très tôt, il a commencé à collaborer avec l’arrangeur/chef d’orchestre Claus Ogerman, dont les arrangements subtiles, caressants et parfois tristes donnaient à ses disques une ambiance envoûtante.

Lorsque la musique brésilienne s’est retrouvée eclipsée aux USA par la vague rock des années 60, Jobim s’est mis en retrait  se concentrant sur les musiques de films et de télévision au Brésil.

Mais en 1985, alors que l’idée de la musique du monde et d’une deuxième vague brésilienne prenait de l’ampleur, Jobim a recommencé à tourner avec un groupe comprenant sa seconde épouse Ana Lontra, son fils Paulo, sa fille Elizabeth et divers amis musiciens.

Pour ses derniers concerts au Brésil en septembre 1993 et au Carnegie Hall de New York en avril 1994 (tous deux disponibles chez Verve), Jobim recevait enfin la reconnaissance universelle qu’il méritait, et une pléthore d’albums et de concerts hommage ont suivi dans le sillage de sa disparition soudaine à New York d’une insuffisance cardiaque.

30 ans après sa disparition, la réputation de Jobim comme l’un des plus grands auteurs-compositeurs du XXème siècle n’est plus à faire, tous les soirs, dans le monde des clubs de jazz, au moins un concert sur deux intègre une bossa nova à son répertoire.