Veronica Swift est une chanteuse accomplie au parcours impeccable. Elle « scat » comme personne et ses improvisations sont pleines d’inventivité et d’imagination. Tout cela pourrait suffire à certains, pas à Veronica. Elle est toujours en recherche d’aventures artistiques et revendique être le croisement entre Ella Fitzgerald et – pourquoi pas ? – Jimi Hendrix.
La meilleure réponse de Veronica Swift est la 3ème piste de l’album qui porte son nom, une version téméraire de la composition de Duke Ellington, « Do Nothing Till You Hear From Me« . Pas vraiment du « Fitzgerald+Hendrix », mais on y trouve une bonne dose de Janis Joplin dans le mixage et l’étonnant solo de « guitare vocale » de Veronica rappelle, bien sûr, le grand Jimi.
Mais comment fait-elle ? Le titre commence par le bourdonnement d’une guitare saturée qui fait irrémédiablement penser à la guitare et au phrasé d’Hendrix qu’elle accompagne de la voix mais c’est à coup sûr Janis qu’on retrouve dans ses intonations. Même les puristes les plus orthodoxes du jazz vont s’extasier.
Swift se décrit elle-même comme une artiste « transgenre » qui repousse les limites. Avec « I Am What I Am« , le morceau principal de l’album, elle commence « nice and easy – gentiment et facilement » (pour reprendre l’expression de Tina Turner), affirmant ses racines jazz avec un scat ludique, accompagné uniquement par la batterie.
La voix est parfaite et le scat fait des références permanentes à la grande Ella.
Son interprétation de l’hymne de Jerry Herman est délirant : elle transgresse avec bonheur !
Son choix pour le deuxième morceau, « Closer » de Trent Reznor, dissipe tout doute à ce sujet. L’original de Nine Inch Nails de 1989 était accompagné d’une vidéo décrite comme choquante. La prestation vocale de Swift est puissante, mais – que les fans de jazz conservateurs se rassurent – sa version semble plus proche d’une reprise fantaisiste du chanteur-acteur Kenton Chen, basé à Los Angeles, le scat de Veronica faisant la différence.
L’ambiance change complètement avec le 4ème titre, un superbe medley composé du « The show must go on » de Queen et le « Vesti la giubba« , extrait de l’opéra « Paillasse » de Ruggero Leoncavallo. « The show must go on » avait été composé par Brian May avant le décès de Freddie Mercury qui avait été le seul à chanter ce titre en public. Dans l’arrangement de Veronica Swift, il est transformé en une sorte de récitatif avant de devenir un aria. Elle chante à la manière d’un bolero-jazz dans le style du « Laugh! Cool Clown » du trio de Nat King Cole. Cet arrangement est également un clin d’oeil au « It’s a hard life » de Freddie Mercury en 1984.
Le premier enregistrement de Veronica Swift remonte à ses 9 ans, avec ses parents, le pianiste bebop Hod O’Brien et la chanteuse Stephanie Nakasian. Elle sort son deuxième album à treize ans. Avant son diplôme d’études musicales, elle avait remporté la deuxième place au concours Thelonious Monk, et depuis, elle est en tête des classements et se produit avec des grands du jazz.
Sa carrière suit une route ouverte et courageuse et elle repousse encore plus les limites avec cet album intrépide, passionné et produit avec soin.
Les musiciens de l’album : Veronica Swift (chant), Adam Klipple (orgue Hammond B3), Philip Norris (contrebasse), Alexander Claffy (contrebasse), Chris Whiteman (guitare), Brian Viglione (batterie), James Sarno (trompette), Troy Roberts (saxophone), David Leon (saxophone)